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Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/188

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lés. Au nombre des exilés se trouvait le jeune Migourski. Son bien avait été confisqué et lui-même envoyé comme simple soldat dans un bataillon de ligne à Oural.

Les Iatcheski vécurent l’hiver de 1832 à Vilna. C’était pour la santé du vieillard qui depuis 1831 souffrait d’une maladie de cœur. C’est là que les touchèrent la lettre que Migourski écrivit de la forteresse où il se trouvait. Il écrivait que, malgré les maux déjà supportés et ceux qui l’attendaient encore, il était heureux de souffrir pour la patrie ; qu’il ne perdait pas courage pour la cause sacrée à laquelle il avait consacré jusque-là sa vie et pour laquelle il donnerait ce qui lui restait à vivre si demain surgissait une possibilité de la faire.

En lisant cette lettre à haute voix, le vieillard, arrivé à ce passage se mit à sangloter et ne put continuer. La lecture fut reprise par Wanda. Migourski écrivait que quels qu’aient pu être ses projets et ses rêves lors de son dernier séjour à Rojanka, ç’avait été là le plus beau moment de sa vie. Il ne pouvait et ne voulait actuellement parler de ses intentions de jadis.

Wanda et Albine comprirent chacune à leur façon cette dernière phrase ; mais n’en parlèrent à personne. En terminant cette lettre, le jeune homme envoyait ses vœux à tous. Et s’adressant à Albine, il employait le même ton taquin de naguère, lui demandant si elle courait toujours aussi vite, rivalisant avec le lévrier et si elle mimait toujours ceux de l’entourage. Il souhaitait bonne santé au vieillard et à Mme Iatcheski, un bon époux à Wanda et la même joie de vivre à Albine.