Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/194

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VI


Le commandant fit des démarches afin d’avoir l’autorisation officielle pour le mariage. Venu d’Orenbourg, un prêtre catholique maria les Migourski. La femme de son protecteur, ainsi que Bjozowski, un Polonais exilé, furent témoins.

Albine, aussi étrange que cela puisse paraître, aimait passionnément son mari dont elle faisait pourtant seulement connaissance. Il était naturel qu’elle trouvât dans la réalité du mariage bien des choses moins poétiques qu’elle n’avait supposé. Mais en revanche, parce que c’était un homme bien réel et bien vivant, elle trouva en lui bien des choses simples et bonnes qu’elle n’aurait pas imaginées. Les amis d’Albine lui avaient bien parlé de sa bravoure pendant la guerre et de sa vaillance lorsqu’il eut perdu la liberté et la fortune. Elle se l’était toujours figuré comme vivant sa vie hautaine de héros. Mais, en réalité, malgré sa force physique extraordinaire et sa bravoure, il ne lui était apparu que comme un simple et bon agneau, un homme tranquille avec un sourire d’enfant sur une bouche vermeille, le visage encadré de cette barbe blonde qui avait déjà séduit Albine à Rojanka. Il était toujours le même et seule une courte pipe qui ne s’éteignait jamais était nouvelle pour la jeune femme et la gêna beaucoup, surtout au moment de sa grossesse.

Quant à Migourski, maintenant seulement il connaissait Albine et pour la première fois la femme se révélait à lui. Car il ne pouvait juger d’après celles