Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/36

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et les mains de Polikei. Même Tambour baissait ses oreilles et frissonnait.

Par moments, il y avait des éclaircies. Un vent terrible s’élevait, chassait les nuages, le soleil éclairait pour quelques instants la terre humide, et ce rayon de soleil rappelait le sourire indécis de Polikei.

Malgré le mauvais temps, Polikei était plongé dans des pensées agréables.

Lui, qu’on voulait exiler, lui, qu’on voulait faire soldat, que tout le monde, sauf quelques ivrognes, maltraitait et humiliait, lui qu’on envoyait toutes les fois qu’il y avait quelque chose de désagréable à faire, il était installé dans la charrette de l’intendant, et chargé par sa maîtresse de réclamer une grosse somme d’argent.

Et Polikei se redressait d’un air fier, arrangeait son vieux chapeau et se croyait un cocher, un grand homme, un marchand pour le moins.

Cependant, il faut dire qu’il se trompait bien, ce pauvre Polikei en s’imaginant avoir l’air d’un marchand. Tous ceux qui l’auraient examiné de près auraient tout de suite reconnu en lui un simple serf, un pauvre déguenillé…

Il aura quatre cent soixante deux roubles dans sa poche ! S’il veut, il fera tourner bride à Tambour et s’en ira loin, bien loin, mais il ne fera pas cela, il portera l’argent à sa maîtresse et dira que ce n’est pas la première fois qu’on lui confie des sommes considérables.

Lorsqu’ils arrivèrent devant le cabaret. Tambour, par habitude, voulut s’arrêter, mais Polikei lui donna un coup de fouet et continua son chemin. Il fit de même en passant devant le second cabaret, et ne s’arrêta que