Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/43

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de bruit. Te voilà bien avancé. Mettez-lui sa pelisse sur la tête, dit-il en l’étendant sur le banc.

Ilia, les cheveux en désordre, pâle, regardait de tous côtés comme s’il cherchait à se rappeler où il était et ce qu’il lui était arrivé.

Le bailli reprit son morceau de pain.

— Mon pauvre Ilia, je te plains de tout mon cœur, mais que veux-tu faire ? Kourachkine aussi est marié ; il ne dit rien cependant.

— Je suis la victime de mon oncle, de mon monstre d’oncle… C’est un ladre qui regrette son argent. Maman m’a dit que l’intendant lui proposait un remplaçant. Il n’a pas voulu, disant qu’il n’avait pas les moyens. Et pourtant, je lui ai rapporté bien de l’argent depuis que je suis venu m’installer chez lui… C’est un monstre.

Le vieux Doutlof revint avec sa lanterne qu’il posa par terre. Il fit le signe de la croix et s’assit à côté du bailli.

Ilia se tut, ferma les yeux et leur tourna le dos. Du doigt, le bailli le montra à Doutlof.

— Crois-tu que cela ne me fait pas de la peine ? lui dit Doutlof. C’est le fils de mon frère, on lui a persuadé que j’étais un monstre. Est-ce sa femme qui lui a persuadé que j’avais de l’argent pour acheter un remplaçant ? Est-ce quelque autre ? je n’en sais rien. Le fait est qu’il m’en veut et que cela me fend le cœur.

— C’est un bien brave garçon !

— Je ne me sens pas le courage de voir son désespoir ! Demain, sa femme et mon fils viendront. Moi, je m’en retourne.