Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/58

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prétendirent toutes, qu’aussitôt qu’elles cessaient de prier, on entendait remuer et soupirer au grenier, mais que, dès qu’elles disaient : « Jésus, lève-toi et que tes ennemis se dispersent », le silence se rétablissait.

La femme du charpentier invita une de ses amies et passa la nuit à prendre du thé et à bavarder avec elle. Elles prétendaient aussi toutes les deux avoir entendu craquer le plancher du grenier.

Les paysans qu’on avait placés dans l’antichambre de la cabane racontaient aussi des choses extraordinaires.

En haut, chez la maîtresse, tout le monde était sur pied. Madame était malade. Trois femmes de chambre la soignait. Douniacha, la principale, s’occupait à préparer du cérat. Aussitôt que Madame était malade, on préparait du cérat.

Toutes trois, réunies à l’office, causaient à voix basse.

— Qui est-ce qui ira chercher de l’huile pour le cérat ? demanda Douniacha.

— Je n’irai pour rien au monde, répondit la seconde femme de chambre d’un air résolu.

— Voyons, prends Aksioutka avec toi.

— J’irai toute seule, je n’ai peur de rien, dit Aksioutka.

Aksioutka releva sa robe et partit comme un éclair en balançant son bras resté libre.

Dehors, elle fut prise d’une panique, et il lui semblait que, si elle rencontrait sa mère même, elle se mettrait à crier comme une folle.

Elle courut le long du chemin bien connu, les yeux fermés.