Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/78

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crit que Doutlof avait acheté. Il traînait ses pieds fatigués par la danse et élevant le flacon d’eau-de-vie au-dessus de la tête, il s’approcha de la charrette.

— Michka, un verre et vivement ! Quelle joie, mon cher ami, de te voir ! criait-il en chantant.

— Et, versant de sa main tremblante l’eau-de-vie dans les verres, il en offrait aux femmes et aux hommes. Les paysans burent, mais les femmes s’y refusèrent.

— Que pourrais-je vous offrir, mes chères âmes ? criait Alechka en les embrassant.

Une marchande se tenait à côté, un panier de friandises à la main, il le lui arrache et en versa le contenu dans la charrette.

— N’aie pas peur, je paierai pour tout le monde, que diable ! hurla-t-il d’une voix pleurnicheuse, en sortant de sa poche une bourse avec de l’argent.

— Où est ta mère ? demandai-il. C’est toi ? Eh bien ! je lui donnerai aussi un cadeau.

Il mit la main dans sa poche, en sortit un mouchoir neuf, enleva un essuie-mains qui lui entourait la taille, ôta un mouchoir rouge qu’il portait au cou et jeta le tout à la vieille.

— C’est pour toi, je te le donne.

Et sa voix devenait toujours plus mélancolique.

— Pourquoi cela, mon pauvre garçon ; quel cœur simple ! disait la vieille avec attendrissement.

Alechka baissait toujours la tête davantage et continuait :

— C’est pour vous que je m’en vais ; c’est pour vous que je me sacrifie. C’est pour cela que je vous offre des cadeaux.

— Il a peut-être une mère encore ! cria une voix dans la foule. Cœur simple, va !