Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sa mère lui écrivit en lui déconseillant cette décision. Mais il lui répondit que l’appel de Dieu est au-dessus de toutes les combinaisons. Seule sa sœur, aussi fière et aussi ambitieuse que lui, l’approuva. Elle comprenait que s’il devenait moine c’était pour se placer au-dessus de ceux qui se croyaient les plus hauts. Et cette supposition était juste. Car en entrant au couvent, il voulut montrer à ceux-là mêmes qu’il méprisait tout ce qui leur semblait capital et ce à quoi, lui aussi, jadis, avait attaché tant d’importance. Il voulait se placer à une hauteur telle qu’il eût pu regarder d’en haut ceux qu’il enviait autrefois. Mais sa sœur Varinka ne connaissait pas cet autre sentiment qui était en lui, le sentiment religieux qu’elle ignorait et qui, étroitement lié avec sa fierté et son désir de priorité, l’avait animé. La désillusion que lui avait fait éprouver Mary, qu’il avait considérée comme un ange, était si grande qu’elle l’avait conduit au désespoir. Et ce désespoir, à Dieu, à la foi enfantine qui était toujours restée en lui.