Page:Tolstoï - Katia.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur le pont le bruit si connu du cabriolet de Serge Mikaïlovitch et que je l’aperçus lui-même. Il m’adressa ses félicitations et nous entrâmes ensemble au salon. Jamais, depuis que je le connaissais, je ne m’étais trouvée si tranquille auprès de lui, ni si indépendante que ce matin-là. Je sentais que je portais en moi un monde tout entier, tout nouveau, qu’il ne comprenait pas et qui lui était supérieur. Je ne sentais pas auprès de lui la moindre agitation. Peut-être comprit-il pourtant ce qui se passait en moi, car il me montra une douceur d’une délicatesse particulière et comme une religieuse déférence. Je m’étais approchée du piano, mais il le ferma et en mit la clef dans sa poche en disant :

— Ne gâtez point l’état d’esprit où je vous vois ; il se joue en vous, à l’heure qu’il est, au