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Léon Tolstoi

qui font de nous les esclaves des gouvernements et les complices de leurs crimes.

J’avais terminé cet article et me demandais s’il fallait le publier ou non, quand je reçus une remarquable lettre, non signée.

La voici :

Depuis déjà plusieurs jours, je ne puis me ressaisir. Quand quelqu’un commence à me parler des ouvriers massacrés, je ressens pour lui de la haine et j’éprouve une sorte de mal physique.

Il y avait des monceaux de cadavres, des femmes et des enfants ensanglantés, emmenés dans des voitures. Mais est-ce là ce qui est horrible ? Non, ce sont les soldats avec leurs visages bonasses, ordinaires, sans pensées, sans compréhension, qui sont horribles ! Les soldats qui battent la semelle, sur la neige, et attendent l’ordre de fusiller quelqu’un. C’est le public aussi, avec son aspect ordinaire, curieux, qui est horrible. Même les plus braves gens viennent là pour apprendre des autres ou voir eux-mêmes des choses épouvantables, les cadavres ensanglantés, mutilés, etc… Comme si l’on pouvait voir quelque chose de plus effroyable que ces soldats qui sont comme toujours et ces braves gens qui ne veulent qu’une chose, des frissons d’horreur.

Je ne puis définir ce qui est le plus terrible. C’est, il me semble, ce fait qu’ils ne comprennent pas et que

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