Page:Tolstoï - L’Esprit chrétien et le patriotisme.djvu/77

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ront à bander les blessures des hommes que leurs maris et leurs frères auront frappés ; et ces gens croiront faire ainsi une action chrétienne.

Et, étouffant dans leur cœur le désespoir par des chants, par des débauches et par de l’alcool, arrachés de leur travail pacifique, enlevés à leurs femmes, à leurs mères, à leurs enfants, on verra passer des hommes, des centaines de mille hommes simples et bons, armés d’instruments de carnage et conduits comme un troupeau. Ils iront : ils auront froid, ils auront faim ; la maladie les saisira et les tuera ; les survivants arriveront enfin à un endroit où on les tuera par milliers, et où ils tueront aussi par milliers des hommes qu’ils n’ont jamais vus, et qui ne peuvent leur avoir fait aucun mal.