Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/22

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fiers et, non seulement de se délivrer, mais de conquérir tous les pays chrétiens.

De sorte que les gouvernements chrétiens, vu l’issue de cette guerre, sont amenés de la façon la plus évidente à augmenter encore les préparatifs militaires dont les dépenses écrasent déjà leurs peuples. Ils doivent reconnaître, tout en doublant leurs armements, qu’avec le temps les peuples païens, opprimés par eux, de même que les Japonais, après avoir appris l’art militaire, secoueront le joug et se vengeront.

Cette guerre confirme, non plus par le raisonnement, mais par la dure expérience, et pour les Russes comme pour tous les peuples chrétiens, cette simple vérité que la violence ne peut aboutir qu’à l’augmentation des calamités et des souffrances.

Il est ainsi établi que les peuples chrétiens en s’occupant d’augmenter leurs forces militaires, non seulement font une œuvre mauvaise, immorale, mais une œuvre contraire à l’esprit chrétien qui vit en eux, œuvre dans laquelle ils doivent toujours être surpassés et vaincus par les peuples non-chrétiens.

Cette victoire a montré aux nations chrétiennes que tout ce vers quoi les gouvernements ont dirigé leur activité était dangereux pour eux, épuisait inutilement leurs forces, et, principalement, qu’ils ne faisaient ainsi que se préparer des ennemis puissants parmi les peuples non-chrétiens.

Elle a prouvé en outre, de la façon la plus évidente, que la force des peuples chrétiens ne peut nullement résider dans la puissance militaire, contraire à l’esprit du christianisme, et que si ces peuples veulent vivre, leurs efforts doivent tendre non à développer la puissance militaire,