Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/45

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a, dont jouissent les hommes qui vivent sous la forme gouvernementale, nous imaginons ce que serait leur situation s’il n’y avait pas de gouvernement. Si l’on examine la vie des petites agglomérations qui, par hasard, ont vécu et vivent en dehors des grands États, ces communes, en jouissant de tous les bienfaits de l’ordre social, libres de la violence gouvernementale, n’éprouvent pas la centième partie des maux dont souffrent les hommes qui obéissent au pouvoir gouvernemental.

Ce sont principalement ces gens des classes dominantes, pour qui est avantageuse cette forme gouvernementale, qui parlent toujours de l’impossibilité de vivre sans elle. Mais interrogez ceux qui ne portent que le fardeau du pouvoir gouvernemental, les agriculteurs, les cent millions de paysans russes ; non seulement ils ne se croient pas garantis par le pouvoir du gouvernement, mais ils n’en ont aucun besoin. Plusieurs fois, en maints de mes écrits, j’ai tâché de démasquer l’épouvantail avec lequel on effraye les hommes, disant que sans le pouvoir gouvernemental les pires éléments triompheront et opprimeront les meilleurs — ce qui existe précisément dans tous les pays, puisque partout le pouvoir est entre les mains des hommes les plus mauvais, ce qui ne peut être autrement, car il n’y a que les hommes les plus mauvais qui peuvent déployer toutes les ruses, les lâchetés, les cruautés nécessaires pour participer au pouvoir. Plusieurs fois j’ai tâché de démontrer que les maux principaux dont souffrent les hommes, comme l’amoncellement de richesses énormes chez quelques-uns et la misère de la majorité, l’accaparement de la terre par ceux qui ne la tra-