Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/58

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russe se distingue des autres révolutions, précisément en ce que celles-ci détruisaient sans réédifier ou remplaçaient une forme de la violence par une autre, tandis que la révolution future ne doit rien détruire : il n’y a qu’à cesser de participer à la violence, à ne pas arracher la plante et la remplacer par quelque chose d’artificiel sans vie, mais à écarter ce qui gênait sa croissance. En conséquence, ce ne sont pas les hommes pressés, hardis, ambitieux, — qui, ne comprenant pas que la cause du mal contre lequel ils luttent est dans la violence, ne se représentent aucune forme de la vie sociale en dehors d’elle, attaquent aveuglément, sans réfléchir, la violence existante pour la remplacer par une nouvelle — qui aideront à la grande révolution qui va s’accomplir. Seuls les hommes qui, sans rien abattre, sans rien briser, arrangeront leur vie indépendamment du gouvernement, et qui, sans lutte, supporteront toute violence commise sur eux, mais ne participeront point au gouvernement, ne lui obéiront point, ceux-là seuls aideront à la révolution actuelle.

Le peuple russe, en immense majorité agricole, ne doit que continuer de vivre comme il vit maintenant, de la vie agricole communale, et ne point participer aux œuvres du gouvernement ni lui obéir.

Plus le peuple russe tiendra à cette forme de la vie qui lui est propre, moins le pouvoir gouvernemental, violateur, s’immiscera dans sa vie, et plus facilement il sera anéanti, car il trouvera toujours de moins en moins de prétextes pour s’immiscer et de moins en moins d’aide pour accomplir ses actes de violence.

Ainsi, à la question : Quelles seront les consé-