Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/67

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guerre cruelle, inutile et malheureuse dans laquelle l’a entraîné son gouvernement, après la perte de l’espoir de se voir restituer la terre qu’on lui a ôtée — le peuple russe, avant tous les autres, a senti les causes principales des maux de l’humanité chrétienne de notre temps, c’est pourquoi la grande révolution qui se prépare dans l’humanité et qui seule peut la sauver de maux inutiles commence précisément chez ce peuple.

C’est en cela qu’est l’importance de la révolution actuelle. Cette révolution n’est pas encore commencée parmi les peuples d’Europe et d’Amérique, mais les causes qui l’ont provoquée en Russie existent pour tout le monde chrétien : la guerre japonaise qui a montré à tous la supériorité inévitable dans les choses militaires des peuples païens sur le peuple chrétien ; les armements qui sont arrivés à l’extrême et ne peuvent cesser ; la situation malheureuse et le mécontentement général du peuple ouvrier privé de la terre.

La majorité des Russes voit clairement que la cause de tous les maux dont ils souffrent est dans l’obéissance au pouvoir. Devant eux se pose ce problème : ou abdiquer leur qualité d’êtres raisonnables et libres, ou cesser d’obéir au gouvernement ; et les peuples d’Europe et d’Amérique, à cause de l’agitation de leur vie et de la duperie de « l’auto-direction » ne le voient pas encore ; ils le verront bientôt. La participation dans la violence gouvernementale — qu’ils appellent la liberté — les conduit à un esclavage de plus en plus grand et aux maux qui en découlent. Et les maux croissants les amèneront inévitablement à l’unique moyen de l’affranchissement : la cessa-