Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Halpérine.djvu/149

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disait devant moi, à d’autres, je pensais : « Que de mensonges dit cette femme ! » J’étais surpris qu’on ne s’aperçût point qu’elle montait. En tête-à-tête, nous étions réduits au silence, ou à des propos que certainement les animaux peuvent tenir entre eux :

« Quelle heure est-il ? — Il est temps d’aller se coucher. — Quel est le menu du dîner ? — Où irons-nous aujourd’hui ? — Quoi de nouveau dans le journal ? — Il faut envoyer chercher le docteur, Lisa a mal à la gorge. »

Dès que nous sortions, pour si peu que ce fût, de ce cercle étroit à l’extrême de nos entretiens habituels, l’orage éclatait. La présence d’un tiers, qui servait pour ainsi dire d’intermédiaire à notre union, nous faisait un instant plus sociables. Elle, probablement, croyait avoir raison de son côté ; quant à moi, Dieu me pardonne ! je me prenais pour un saint auprès d’elle.