Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Halpérine.djvu/52

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Je vécus de la sorte jusqu’à trente ans, poursuivi sans cesse par l’idée du mariage et de la famille. J’observai alors les jeunes filles de la contrée. Vicieux et débauché, j’osais chercher celle dont la pureté pourrait me convenir.

Je jetai mon dévolu sur une des deux filles d’un propriétaire terrien de Penza, riche autrefois mais ruiné depuis. À vrai dire, je fus attiré et pris dans une souricière. La mère (le père était mort) multiplia les pièges autour de moi ; je tombai dans l’un d’eux : une promenade en bateau. Un soir, au retour d’une de ces promenades, par un beau clair de lune, comme nous étions près d’arriver, j’étais assis près d’elle et je ne pouvais distraire mon regard de sa taille svelte, de ses formes moulées par un jersey collant, des boucles blondes de ses cheveux ; je le compris subitement : c’était elle.