Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/105

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Vous dites naturel ! Il est naturel de manger, c’est une fonction heureuse, agréable et que nul n’a honte d’accomplir dès la naissance. Mais ceci, on en est honteux, dégoûté, on en souffre. Non, ce n’est pas naturel ! Une jeune fille non corrompue, je suis arrivé à m’en convaincre, en a toujours horreur. Une jeune fille pure veut une chose : des enfants ! Des enfants, oui, pas un amant.

— Mais, dis-je avec étonnement, comment se continuerait le genre humain ?

— Mais, à quoi bon qu’il continue ? riposta-t-il avec véhémence.

— Comment, à quoi bon ? Mais alors nous n’existerions pas !

— Et pourquoi faut-il que nous existions ?

— Sapristi, pour vivre !

— Et pourquoi vivre ? Les Schopenhauer, les Hartmann, tous les bouddhistes disent bien que le plus grand bien est le Nirvana, le Non-Vivre…, et ils ont raison en ce sens que le bien-être humain coïncide avec l’anéantissement du « Soi ». Seulement ils ne s’ex-