Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/136

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femme, il la regarde en souriant, et, d’après ce qui me paraît, il examine son corps. Comment ose-t-il penser à elle, penser à la possibilité d’un roman avec elle ? Et comment, elle, voyant cela, peut-elle le tolérer ? Non seulement elle tolère, mais elle paraît satisfaite. Je vois même qu’elle se met en frais pour lui. Et dans mon âme monte une telle haine pour elle que chacun de ses mots, chaque geste, me dégoûtent. Elle le remarque, elle ne sait que faire, ni comment prendre l’air d’une animation indifférente ? Ah ! je souffre ! Ça la rend gaie, la voilà contente ! Et ma haine décuple, mais je n’ose lui donner libre cours, parce qu’au fond de l’âme je sais que de véritables motifs, il n’en est pas. Et je reste assis, feignant l’indifférence, exagérant l’attention et la courtoisie envers lui.

Puis je me fâche contre moi-même, j’ai le désir de sortir de la pièce, de les laisser seuls, et je sors effectivement ; mais à peine sorti je suis envahi par l’effroi de ce qui se passe là-bas en mon absence. Je rentre