Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/152

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souvent lorsqu’elle était très triste, qu’elle était soulagée quand un enfant tombait malade, de pouvoir se réfugier dans cette ivresse. C’était ivresse involontaire, parce qu’il n’y avait pas encore autre chose. De tous côtés, on entendait que Mme une telle avait perdu des enfants, que chez Mme une telle le Dr un tel avait sauvé un enfant, et que dans telle autre famille tout le monde avait déménagé à l’hôtel et par là sauvé les petits. Et les médecins, d’un air grave, confirmaient cela, soutenaient ma femme dans ses opinions. Elle aurait bien voulu ne pas avoir peur, mais le médecin lâchait telle parole comme corruption du sang, scarlatine, ou bien — que Dieu nous garde — diphtérie, et la voilà partie.

C’était impossible autrement : les femmes avaient, dans le vieux temps, cette croyance que « Dieu a donné, Dieu a repris, » que l’âme du petit ange va au Ciel, qu’il vaut mieux mourir innocent que de mourir dans le péché. Si les femmes d’aujourd’hui avaient quelque chose de semblable à cette foi, elles