Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/190

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lequel je regardais sa nuque à lui, son cou blanc, en contraste avec ses cheveux noirs séparés par une raie, quand, avec sa démarche sautillante comme celle d’un oiseau, il sortit de chez moi. Je ne pouvais pas ne pas m’avouer à moi-même que la présence de cet homme me faisait souffrir. « Il dépend de moi, pensai-je, de m’arranger de façon à ne plus jamais le revoir, mais est-ce que moi, moi, je le crains ? Non, je ne le crains pas, ce serait trop humiliant. »

Et là même, dans l’antichambre, sachant que ma femme m’entendait, j’insistai pour que, le soir même, il vînt avec son violon ! Il me le promit, il partit. Le soir il arriva avec le violon et ils jouèrent ensemble ; mais pendant longtemps le jeu marcha mal, nous n’avions pas la musique nécessaire, et celle que nous avions, ma femme ne pouvait la jouer sans préparation. Je m’amusai de leur jeu, je les aidai, je fis des propositions, et ils finirent par exécuter quelques morceaux : des chansons sans paroles, une petite sonate de Mozart. Il jouait d’une manière merveil-