Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/195

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devant la vieille bonne, pensais-je, elle me déshonore. Je m’en irai, je n’en peux plus. Dieu sait ce que je ferais si… Mais je ne puis passer sans entrer. »

La vieille bonne leva les yeux sur moi comme si elle me comprenait et me conseillait de bien surveiller. « Je ne puis pas ne pas entrer, » me dis-je. Et sans savoir ce que je faisais, j’ouvris la porte. Il était assis devant le piano et faisait des arpèges avec ses longs doigts blancs recourbés ; elle se tenait debout, dans l’angle du piano à queue, devant la partition ouverte. Elle me vit ou m’entendit la première et leva les yeux sur moi. Fut-elle saisie, fit-elle mine de ne pas avoir peur, ou ne fut-elle pas effrayée du tout ? En tout cas elle ne tressaillit pas, elle ne bougea pas. Elle rougit, mais un peu plus tard seulement.

— « Que je suis contente que tu sois venu ! Nous n’avons pas convenu ce que nous jouerions dimanche, » dit-elle d’un ton qu’elle n’eût pas eu si elle avait été seule avec moi.