Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/204

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que je jetai aussi, puis je décrochai le baromètre en continuant à crier :

— « Va-t’en, je ne réponds pas de moi ! »

Elle disparut, et aussitôt je cessai mes démonstrations. Une heure après, la vieille bonne entra chez moi et dit que ma femme avait un accès d’hystérie. J’allai la voir : elle sanglotait, riait, incapable de rien exprimer, et tressaillait de tout son corps. Elle ne feignait pas, elle était véritablement malade. On envoya chercher un médecin et durant toute la nuit je la soignai. Vers l’aube, elle se calma, et nous nous réconciliâmes sous l’influence de ce sentiment que nous appelions « amour ». Le lendemain matin, quand, après la réconciliation, je lui avouai que j’étais jaloux de Troukhatchevski, elle ne fut pas embarrassée et se mit à rire de l’air le plus naturel, si étrange lui apparut à elle-même la possibilité d’être entraînée avec un pareil homme.

— « Est-ce qu’avec un pareil homme une honnête femme peut éprouver un autre sentiment que le plaisir de faire de la musique ?