Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/66

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D’abord je vais vous dire qui je suis. Fils d’un riche gentilhomme des steppes, ancien maréchal de la noblesse, j’étais élève de l’Université, licencié en droit. Je me mariai dans ma trentième année. Mais avant de vous parler de mon mariage, il faut vous dire comme je vivais auparavant et quelles idées j’avais sur la vie conjugale. Je menais l’existence ainsi que tant d’autres gens soi-disant comme il faut, c’est-à-dire en débauché, et comme la majorité, tout en menant l’existence d’un débauché, j’étais convaincu que j’étais un homme d’une moralité irréprochable.

L’idée que j’avais de ma moralité provenait de ce que dans ma famille on ne connaissait point ces débauches spéciales si communes dans nos milieux de gentilshommes terriens, et aussi de ce que ni mon père ni ma mère ne se trompaient l’un l’autre. Par là je m’étais forgé, depuis mon enfance, le rêve d’une vie conjugale haute et poétique. Ma femme devait être la perfection accomplie, notre amour mutuel devait