Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/100

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se le disait, le ramener à sa bonne et belle nature. Elle l’aimait et, à la lumière de son amour, ce qu’il y avait de divin en l’âme de Makhine, et qui est commun à tous les hommes, lui était révélé ; mais elle voyait en ce principe de vie commun à tous les hommes, la tendresse, l’élévation, la bonté, propres à lui seul. Son autre but était de cesser d’être riche. Elle voulait se dépouiller de ses biens pour éprouver Makhine, et ensuite, selon les paroles de l’évangile, elle voulait le faire pour elle, pour son âme.

Elle commença par distribuer ce qu’elle avait. Mais son père y fit obstacle, et, plus encore que son père, la foule des quémandeurs qui s’adressaient à elle personnellement ou par écrit. Alors elle résolut d’aller trouver un moine réputé pour la sainteté de sa vie, pour lui demander qu’il prenne son argent et agisse comme il jugerait bon. Ayant appris cela, le père se fâcha, et dans une explication violente avec elle, il la traita de folle, de détraquée, et lui déclara qu’il prendrait des mesures afin de défendre cette folle contre elle-même.

Le ton fâché, irrité, de son père se transmit à elle, et, avant d’avoir pu se ressaisir, elle se mit à pleurer méchamment et à lui dire beaucoup de choses blessantes, le traitant de despote et d’homme cupide.

Elle demanda pardon à son père. Il lui dit qu’il n’était point fâché, mais elle voyait qu’il était blessé et que, dans son âme, il ne lui pardonnait pas. Elle ne voulait pas raconter cela à Makhine. Sa sœur était jalouse parce que Makhine s’était complètement éloigné d’elle. De sorte qu’elle n’avait personne à qui confier ce qu’elle ressentait et devant qui elle pouvait exprimer ses regrets.