Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/103

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dettes. Lui-même se cachait et n’avait qu’un seul souci : bien distribuer l’argent. Il donnait aussi à la police, et on ne l’inquiétait pas.

Son cœur se réjouissait. Cependant on finit par l’arrêter, et alors, devant le tribunal, il se vanta d’avoir pris l’argent de cet imbécile de Krasnopouzoff, qui l’employait très mal et même en ignorait le compte, tandis que lui, il avait mis cet argent en circulation et avec cet argent était venu en aide à de braves gens.

Sa défense était faite également avec bonne humeur, de sorte que les jurés faillirent l’acquitter. Il fut condamné à une peine très légère. Il remercia, et prévint qu’il s’enfuirait.


XIII


Le télégramme de Madame Sventitzky au tzar ne fut suivi d’aucun effet. Dans la Commission des recours en grâce, on avait d’abord résolu de n’en pas même faire mention au tzar. Mais, pendant le déjeuner de l’empereur, la conversation étant venue sur l’affaire Sventitzky, le Président de la Commission des grâces, qui déjeunait précisément chez l’empereur, parla du télégramme de la veuve de la victime.

— C’est très bien de sa part, dit une dame appartenant à la famille impériale.

Mais l’empereur, haussant les épaules, prononça : « La loi », et avança une coupe dans laquelle un valet lui versa du vin de la Moselle. Tous parurent émerveillés de la sagesse de la parole prononcée par l’empereur, et il ne fut plus question du télégramme.