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Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/172

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CE QUE J’AI VU EN RÊVE


I


MA fille n’existe plus pour moi ! Tu m’entends, elle n’existe plus. Mais je ne puis pas la laisser sur le pavé. Je ferai le nécessaire pour qu’elle puisse vivre à son gré, mais je ne la connais plus. Oui, oui… jamais je n’aurais pu imaginer rien de semblable. C’est affreux, affreux…

Il eut un tressaillement des épaules, secoua la tête et leva les yeux.

Ces paroles étaient dites par le prince Michel Ivanovitch Sch…, un homme de soixante ans, à son frère cadet, le prince Pierre Ivanovitch Sch…, âgé de cinquante ans, gouverneur d’une province du centre de la Russie.

Cette conversation se passait dans le chef-lieu de cette province, où s’était rendu, de Pétersbourg, le frère aîné, après avoir appris que sa fille, qui s’était enfuie de la maison depuis un an, vivait dans cette même ville, avec son enfant.

Le prince Michel Ivanovitch était un beau vieillard, très vert, de haute taille, avec des cheveux blancs, très distingué de visage et de manières affables. Sa famille se composait de sa femme, personne très vulgaire, très irritable, qui se disputait souvent avec son mari pour de petites