Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/187

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— Une connaissance. Mais je reviendrai, cela vaudra mieux, dit Michel Ivanovitch, se préparant à sortir. Il lui était trop pénible de se rencontrer avec elle et toute explication lui paraissait impossible.

Comme il allait sortir, des pas légers, rapides, s’entendirent dans l’escalier, et il reconnut la voix de Lise.

— Marie Ivanovna, n’a-t-il pas crié en mon absence ? Et moi…

À ce moment elle aperçut son père. Elle laissa tomber le paquet qu’elle tenait à la main. — Père, s’écria-t-elle, et toute pâle, toute tremblante, elle s’arrêta dans la porte. Il la regardait, immobile. Elle avait maigri ; ses yeux étaient devenus plus grands, son nez plus mince ; ses mains étaient amaigries, allongées. Il ne savait que dire, que faire. Il avait oublié tout ce qu’il pensait de sa honte, et il ne ressentait que de la pitié, de la pitié pour elle, pour sa maigreur, pour sa méchante petite robe, et, principalement, pour son malheureux visage aux yeux suppliants fixés sur lui.

— Père, pardon, dit-elle en s’avançant vers lui.

— Moi, pardonne-moi… prononça-t-il, et il se mit à pleurer comme un enfant en embrassant son visage, ses mains, et les mouillant de ses larmes.

Sa pitié pour elle lui avait ouvert les yeux sur lui-même, et, s’étant aperçu tel qu’il était réellement, il avait compris qu’il était coupable envers elle, coupable pour son orgueil, pour sa froideur, pour sa colère ; et il était heureux de se sentir coupable, de n’avoir rien à pardonner, ayant lui-même besoin de pardon. Elle le conduisit dans sa chambre, lui raconta comment elle vivait, mais ne lui montra pas l’enfant et ne parla point du passé,