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Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/21

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Il se rappelait toutes ses injures et surtout son visage méchant, comme s’il les entendait et le voyait devant lui. « Vaurien !… Tu mériterais d’être fouetté !… » Et plus il se souvenait, plus grandissait en lui sa colère contre son père. Il se rappelait avec quelle expression le père lui avait dit : « Je vois que tu ne feras qu’un filou… Je le savais… »

« Si c’est comme ça sans doute je serai un filou… Il a oublié qu’il a été jeune, lui aussi… Quel crime ai-je commis ?… Je suis allé au théâtre… je n’avais pas d’argent, j’ai emprunté à Petia Grouchetzky… Quel mal y a-t-il ?… Un autre aurait eu pitié, aurait questionné… et celui-ci ne fait qu’injurier et ne penser qu’à soi… Voilà, quand il manque de quelque chose, c’est un cri à remplir toute la maison… Et moi, je serai un filou… Non, bien qu’il soit mon père, je ne l’aime pas… Je ne sais pas si tous sont pareils, mais moi, je ne l’aime pas… »

La femme de chambre frappa à la porte. Elle apportait un billet dont on attendait la réponse. Ce billet était ainsi libellé :

Pour la troisième fois je te demande de me rendre les six roubles que tu m’as empruntés ; mais tu te dérobes. Les gens honnêtes n’agissent pas ainsi. Je te prie de me les envoyer immédiatement par le porteur du présent. Ne peux-tu donc pas les trouver ?

Selon que tu me rendras ou non, ton camarade qui t’estime ou te méprise,

« Grouchetzky. »

« Voilà… Quel cochon !… Il ne peut pas attendre… J’essayerai encore. »