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LE DIABLE
Matthieu, chap. V, versets 28, 29, 30.




I


EUGÈNE IRTÉNIEFF pouvait espérer une carrière brillante. Il avait tout pour cela : son éducation avait été très soignée, il avait terminé brillamment ses études à la faculté de droit de Saint-Pétersbourg, et par son père, mort récemment, il avait des relations dans la plus haute société, si bien qu’il était entré au ministère sous les auspices du ministre lui-même. Il avait aussi de la fortune, une grande fortune, mais compromise. Le père avait vécu à l’étranger et à Pétersbourg, et servait à chacun de ses fils, à Eugène et à l’aîné André, officier dans les chevaliers-gardes, une pension annuelle de 6, 000 roubles, et lui-même, avec sa femme, dépensait énormément. L’été, il venait passer deux mois à la campagne, mais ne s’occupait point de l’exploitation, s’en remettant à son gérant repu, qui lui aussi ne s’en occupait guère, mais en qui il avait pleine confiance.

À la mort de leur père, quand les frères commencèrent la liquidation de l’héritage, on s’aperçut qu’il y avait tant de dettes que l’avocat leur