Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/341

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jeunes filles, puis deux femmes, l’une déjà âgée, l’autre élégante, en fichu rouge vif, qu’il lui sembla connaître. La jeune femme marchait d’un pas léger, assuré, et portait un enfant sur ses bras. Quand il arriva à leur niveau, l’aînée des femmes le salua à la façon d’autrefois, en s’arrêtant ; la jeune femme qui portait l’enfant inclina seulement la tête, et, de dessous le fichu, se posèrent sur lui des yeux gais, souriants, qu’il connaissait. « Oui, c’est elle ; mais tout est fini ; ce n’est pas la peine de la regarder. L’enfant ?… peut-être le mien, lui passa-t-il en tête. — Non, c’est stupide. Son mari était là. »

Il était tout à fait convaincu qu’il n’y avait eu là pour lui qu’une question de santé ; qu’ayant donné de l’argent, il ne devait rien de plus ; qu’il n’y avait entre lui et elle aucun lien, qu’il n’y en avait pas et n’en pouvait être. Et ce n’était pas qu’il étouffait la voix de la conscience, mais simplement sa conscience ne lui disait rien. Après sa conversation avec sa mère et après cette rencontre, il ne pensa plus à elle une seule fois et ne la rencontra plus.

Après Pâques, le mariage fut célébré en ville, et aussitôt Eugène partit avec sa jeune femme à la campagne. La maison était arrangée comme on arrange ordinairement la maison pour de nouveaux mariés. Marie Pavlovna voulut partir, mais Eugène, et surtout Lise, la prièrent de rester. Elle resta, mais s’installa dans le pavillon.

Ainsi commença pour Eugène une vie nouvelle.