Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/343

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fut prise de douleurs et fit une fausse-couche. Elle fut très longue à se remettre.

La perte de l’enfant attendu, la maladie de sa femme et les complications matérielles qui en résultèrent, et, principalement, la présence de sa belle-mère accourue pour soigner Lise, tout cela contribua à rendre, pour Eugène, cette année encore plus pénible.

Cependant, malgré cette triste circonstance, à la fin de la première année, Eugène se sentit très bien. Premièrement, son idée de renouveler la vie de son grand-père sous de nouvelles formes, bien que lentement et différemment, commençait à se réaliser. Maintenant il ne pouvait plus être question de la vente de toute la propriété pour payer les dettes. La propriété principale, passée au nom de sa femme, était sauvée ; et avec une belle récolte de betteraves, vendues à bon prix, c’était pour l’année future, au lieu de la situation précaire de cette année, l’aisance assurée. C’était une chose.

L’autre était qu’il avait trouvé en sa femme ce qu’il ne s’était point attendu à trouver en elle, et cependant il en avait attendu beaucoup. Ce n’était pas ce qu’il avait espéré, c’était beaucoup mieux. Ce n’était point l’attendrissement, l’enthousiasme amoureux, bien qu’il tâchât de les provoquer ; non, ce n’était pas cela, c’était tout autre chose, qui rendait sa vie non seulement plus gaie, plus agréable, mais beaucoup plus facile. Il ne savait pas à quoi attribuer cela, mais c’était ainsi. Et il en était ainsi parce que Lise, aussitôt après ses fiançailles, avait décidé que, de tous les hommes au monde, Eugène Irténieff était le meilleur, le plus intelligent, le plus pur, le plus