Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/383

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— Tu crois ?

— Parle, parle ! Je ne te lâcherai pas…

Il eut un sourire navré.

— Parler ?… Non, c’est impossible… Du reste, il n’y a rien à dire.

Peut-être lui eût-il tout dit, mais à ce moment la nourrice entra demander si l’on pouvait aller se promener. Lise sortit pour habiller l’enfant.

— Alors tu me le diras… Je vais revenir tout de suite.

— Oui… peut-être…

Jamais elle ne put oublier le sourire douloureux avec lequel il prononça ces mots. Elle sortit. Hâtivement mais avec l’allure d’un malfaiteur, il prit l’étui, et sortit le revolver. « Il est chargé ? Oui, mais depuis longtemps… Une balle a déjà été tirée… Eh bien, advienne que pourra ! »

Il appuya le revolver contre sa tempe, hésita un moment, mais, aussitôt, se rappelant Stepanida, sa résolution de ne pas la voir, la lutte, la tentation, la chute, de nouveau la lutte, il tressaillit d’horreur. « Non, plutôt cela. » Il pressa la gâchette.

Quand Lise accourut dans la chambre, elle eut à peine le temps de descendre du balcon… il était étendu sur le ventre, par terre, un sang noir, épais, coulait abondamment de la blessure, et son corps tressaillait encore.

Une enquête fut faite. Personne ne pouvait s’expliquer la raison du suicide. À l’oncle, il ne vint nullement en tête qu’il pouvait avoir quelque chose de commun avec l’aveu que lui avait fait Eugène deux mois auparavant.

Varvara Alexievna affirmait qu’elle l’avait