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Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/71

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chambellan, ami de la famille Turine, l’ayant rencontré à un bal de la cour, intercéda près de lui en faveur de Turine et de Tourtchaninova, le ministre haussa les épaules, si bien que le ruban rouge qui barrait son gilet blanc se plissa, et il lui dit : — Je ne demanderais pas mieux de faire relâcher cette malheureuse jeune fille, mais, vous savez, le devoir.

Et pendant ce temps, Tourtchaninova était dans la maison d’arrêt préventif. Parfois, calme, elle parlait aux camarades en frappant contre la cloison, lisait les livres qu’on lui donnait, et parfois, tout d’un coup, elle devenait désespérée, furieuse, et frappait les murs, poussait des cris ou riait aux éclats.


XXIII


Un jour, Marie Sémionovna, qui était allée à la trésorerie toucher sa pension, en revenant chez elle rencontra un maître d’école qu’elle connaissait.

— Eh bien ! Marie Sémionovna, vous avez touché ? lui cria le maître d’école à travers la rue.

— Oui, j’ai touché, répondit Marie Sémionovna. Mais juste de quoi boucher les trous.

— Bah ! vous avez beaucoup d’argent ; vous boucherez les trous et il en restera, dit l’instituteur, et, la saluant, il continua son chemin.

— Adieu, lui dit Marie Sémionovna, et tandis qu’elle regardait le maître d’école, elle se heurta contre un homme de haute taille, aux longs bras, et à la mine sévère. Arrivée près de sa demeure, elle fut surprise en apercevant de nouveau cet homme aux longs bras. Celui-ci la regarda rentrer