Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/90

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— Si vous jugez vous ne comprenez pas.

— Eh bien, continuons… Où es-tu allé après ?…

Mais Makhine était surtout frappé de ce qu’il avait appris du directeur concernant l’influence de Pelaguschkine sur le bourreau Makhorkine qui, malgré la menace de punitions, avait renoncé à remplir ses fonctions


VII


À une soirée chez les Éropkine, il y avait deux jeunes filles, de riches partis, toutes deux courtisées par Makhine. Après qu’on eut chanté, Makhine, qui venait de se distinguer, car il était très musicien et accompagnait au piano et tenait la seconde voix, se mit à narrer très fidèlement et avec force détails – il avait une très bonne mémoire – l’histoire d’un étrange criminel qui avait converti le bourreau. Makhine se souvenait si bien et racontait si bien parce qu’il restait toujours indifférent aux gens avec lesquels il avait affaire. Il ne pénétrait pas et ne savait pas pénétrer l’état d’âme des autres hommes. C’est pourquoi il pouvait se rappeler si bien tout ce qu’ils faisaient et disaient. Mais Pelaguschkine l’intéressait. Il n’était point entré dans l’âme de Stepan, mais, malgré lui, il se posait cette question : que se passe-t-il en lui ? Il ne trouvait pas la réponse, mais il pressentait qu’il s’agissait de quelque chose d’intéressant. À cette soirée il raconta toute l’histoire de la conversion du bourreau, et les récits du directeur sur la conduite bizarre de Pelaguschkine, ses lectures de l’évangile et sa grande influence sur ses camarades.