Page:Tolstoï - Le Patriotisme et le gouvernement.djvu/11

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dont souffre si cruellement l’humanité, ce patriotisme n’est ni le désir des biens immatériels pour son peuple, (on ne peut pas désirer des biens immatériels seulement pour son propre peuple), ni les particularités qui caractérisent les différentes nations (c’est une qualité et nullement un sentiment) ; le patriotisme réel est au contraire un sentiment très défini de préférence pour son peuple ou pour son État, vis-à-vis des autres peuples et de tous les autres États, et consiste par conséquent dans le désir pour ce peuple et pour cet État de lui désirer la plus grande prospérité et la plus grande puissance, qui ne peuvent être obtenues et que l’on n’obtient en effet qu’au désavantage de la prospérité et de la puissance des autres peuples et des autres États.

Il paraît évident que le patriotisme — comme sentiment — est un sentiment mauvais et nuisible, — comme doctrine — est une doctrine insensée, puisqu’il est clair que si chaque peuple et chaque État se tiennent pour les meilleurs des peuples et des États, ils se trouveront tous dans une erreur grossière et nuisible.


II


Il paraît que le caractère nuisible et insensé du patriotisme devrait être de toute évidence pour les hommes. Mais, chose étonnante, des hommes éclairés, des savants, non seulement ne le voient pas eux-mêmes, mais ils contestent avec la plus grande obstination et