Page:Tolstoï - Le Patriotisme et le gouvernement.djvu/9

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siste ce vrai et bon patriotisme ; ou bien, au lieu d’une explication, on prononce des phrases ampoulées et prétentieuses, ou enfin on substitue à l’idée de patriotisme, quelque chose qui n’a rien de commun avec ce patriotisme que nous connaissons et dont nous souffrons tous si cruellement.

On dit ordinairement que le vrai, que le bon patriotisme consiste à souhaiter à son peuple ou à son État, de vrais biens, de ces biens qui ne font pas tort aux biens des autres peuples.

Ces jours-ci, en causant avec un Anglais de la guerre actuelle, je lui dis que le motif véritable de cette guerre n’est pas la cupidité, comme on le dit ordinairement, mais le patriotisme, comme la disposition d’esprit de toute la société anglaise le démontre en toute évidence. L’Anglais ne fut pas d’accord avec moi et dit que, lors même qu’il en serait ainsi, cela proviendrait de ce que le patriotisme qui anime actuellement les Anglais est un patriotisme mauvais ; mais que le bon patriotisme — celui dont il est pénétré lui-même — consiste en ceci : que les Anglais, ses compatriotes, n’agissent pas malhonnêtement.

« Désirez-vous donc que les Anglais seulement n’agissent point malhonnêtement ? » lui demandai-je.

« Je le souhaite pour vous, » répondit-il, démontrant clairement, par cette réponse, que le caractère des biens véritables — que ce soient des biens moraux, scientifiques ou même matériels — est de telle nature que ces biens se répandent sur tous les hommes indis-