Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/108

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lasse les meilleures intentions. Si pourtant on ne les transforme pas, ces moujiks, mes rêves ne se réaliseront jamais », se disait-il avec un dépit mêlé de colère à l’idée que ses projets étaient constamment entravés. « Le déporter, comme me le conseille Yakov, s’il continue à vouloir se faire du mal à lui-même, ou le porter comme soldat… Oui, je me débarrasserai de lui et le remplacerai au moins par un bon moujik. »

Il caressait cette pensée avec un certain plaisir ; mais, en même temps, sa conscience lui disait vaguement qu’il pensait seulement par un côté de son esprit et que ce n’était pas tout à fait bien ainsi. Il s’arrêta : « À quoi pensé-je, là » ? se dit-il. « Le faire soldat ! le déporter ! et pourquoi ? C’est un bon garçon, meilleur peut-être que beaucoup d’autres… Si je l’affranchissais ! » songeait-il en élargissant le cercle de ses réflexions.