Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/177

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monde de sensations vagues, inconscientes, confuses jusque-là, eurent tout à coup pour moi une signification.

Une fleur fraîche et odorante semblait s’être épanouie dans mon âme ; à la fatigue, à l’inattention, à l’indifférence de toute chose qui était encore en moi un instant auparavant, succédaient, sans transition apparente, une soif d’amour, un espoir confiant, une joie inexpliquée de me sentir vivre. Que vouloir ? Que dire ? Telle fut la pensée qui se présenta à mon esprit pour en chasser toutes les autres. « Quoi ? La beauté de la poésie. Respire-la par grandes effluves, pénètre-t’en de toutes tes forces, jouis-en… Que veux-tu de plus ? Tout est à toi, tout le bonheur… »

Je me rapprochai du petit homme qui me parut être un tyrolien, un chanteur ambulant. Il se tenait sous les fenêtres de l’hôtel,