Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/218

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ne doit pas y avoir de pitié sur laquelle puisse s’appuyer la mendicité. Mais il a travaillé, il vous a réjoui, il vous a supplié de lui abandonner un peu de votre superflu et vous vous êtes approprié le fruit de son travail. Et, souriant froidement, vous l’avez examiné comme une curiosité.

Vous étiez là une centaine d’hommes riches et heureux… Et pas un d’entre vous ne lui a jeté une obole ! Il s’est éloigné plein de honte et la foule stupide l’a suivi en riant, Elle ne s’en prenait pas à vous, mais à lui, parce que vous êtes froids, cruels et déloyaux ! Vous lui avez volé votre joie… Et, pour cette raison, on s’est moqué de lui !…

Le 7 juillet 1857, à Lucerne, devant l’hôtel appelé le Schweitzerhof, un pauvre musicien ambulant a joué de la guitare et chanté pendant une demi-heure. Près de cent personnes l’écoutaient. À trois reprises, il a supplié ces personnes de lui donner