Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/43

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Nekhlioudov connaissait déjà par ouï-dire l’extrême misère de ses paysans. Mais cette triste réalité était si peu en rapport avec son état d’esprit et sa manière de vivre que, malgré lui, il l’oubliait et, quand elle se représentait à lui, il se sentait le cœur serré comme si un crime non encore expié l’eût tourmenté.

— Mais pourquoi êtes-vous si pauvres ? s’écria-t-il, exprimant malgré lui sa pensée.

— Comment pouvons-nous ne pas être pauvres, notre père, Votre Excellence ? Vous savez bien ce qu’est notre terre : de l’argile. Nous avons sans doute aussi excité la colère de Dieu, car, depuis le choléra, nous n’avons pas de blé. Nous avons moins de prairies qu’auparavant. Les unes ont été ravagées et les autres ont été prises pour les champs du barine. Moi je suis seul et vieux. Je serais