Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

était enceinte et travaillait quand même plus qu’il ne l’eût fallu. Et, alors, elle est tombée, la pauvre femme ! Pendant l’été, à la fête de Saint-Pierre, elle accoucha d’un garçon, pour son malheur : il n’y avait pas de pain à la maison, mon petit père !… Le travail pressait, elle dut le faire ; alors son sein se tarit. Nous n’avions pas de vache. Chez nous autres, pauvres moujiks, comment nourrir un enfant au biberon ?… Les bêtises des babas, cela se comprend : elle se chagrinait de voir ainsi souffrir son premier né. Quand il est mort, elle a pleuré, pleuré ce malheur ; elle gémissait, gémissait… mais la peine et le travail rendaient la peine plus poignante encore. Chaque jour, elle s’affaiblissait davantage, et à la fin de l’été, vers la fête de Pokrov, elle mourut… C’est lui qui l’a tuée, le vaurien ! s’écria-t-elle avec un violent désespoir en désignant son fils. — Je vou-