Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/109

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en pratique d’une nouvelle conception de la vie, conception répondant à la nouvelle phase dans laquelle l’humanité est entrée il y a déjà 1800 ans, et que c’est la définition de la vie nouvelle qui en résulte.

Ils ne conviennent pas que le Christ a voulu dire ce qu’il a dit ; ou bien ils supposent que c’est par entraînement, par défaut de raisonnement et de culture, qu’il a dit ce qui se trouve dans le Sermon sur la Montagne et en d’autres endroits[1].

C’est pourquoi je vous dis : Ne soyez point en souci pour votre vie, de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez ; ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus : la vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?

Considérez les oiseaux du ciel ; car ils ne sèment ni ne

  1. Voici par exemple une argumentation caractéristique de ce genre dans un article de la Revue américaine Arena (oct. 1890) intitulé New basis of church life (les nouvelles bases de la vie ecclésiastique). Raisonnant sur la signification du Sermon sur la Montagne, et surtout de la non-résistance au mal, l’auteur, sans être comme les partisans de l’église, obligé d’en cacher la signification, dit : « Le Christ a réellement prêché le communisme le plus complet et l’anarchie, mais il faut savoir regarder le Christ dans sa signification historique et psychologique. Comme tout prédicateur de l’humanité, le Christ enthousiaste arrivait dans sa doctrine jusqu’aux exagérations utopiques. Chaque pas en avant dans la perfection morale de l’humanité est toujours dirigé par des hommes qui ne voient rien autre que leur mission. Le Christ, lui, sans qu’on puisse le lui reprocher, avait le tempérament typique d’un pareil réformateur. C’est pourquoi nous devons nous souvenir que ses enseignements ne doivent pas être pris à la lettre comme une philosophie complète de la vie. Nous devons analyser ses paroles, avec respect pour elles, mais dans un esprit de critique cherchant la vérité, etc… » Le Christ aurait été heureux de bien dire, mais il ne savait pas s’exprimer aussi nettement et aussi exactement que nous dans l’esprit de critique. C’est pourquoi corrigeons-le. Tout ce qu’il a dit de la douceur, du sacrifice, de la pauvreté, du non-souci du lendemain, tout cela, il l’a dit par hasard, ne sachant pas s’exprimer scientifiquement.