Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/111

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Vends ton bien, et suis-moi ; qui n’abandonne pas père et mère, enfants et frères, champ et maison, ne peut être mon disciple.

Renie-toi, prends ta croix pour chaque jour, et suis-moi. Ma nourriture consiste à accomplir la volonté de Celui qui m’a envoyé, et à accomplir son œuvre. Ce n’est pas ma volonté qui sera, mais la Tienne ; ce n’est pas ce que je veux, mais ce que tu veux, et ce n’est pas comme je veux, mais comme tu veux. La vie consiste à accomplir non pas sa volonté, mais la volonté de Dieu.

Ces maximes semblent aux hommes en place, qui n’ont de la vie qu’une conception inférieure, comme l’expression d’une sorte d’entraînement enthousiaste sans application possible dans la pratique. Et cependant elles résultent aussi rigoureusement de la conception chrétienne que le précepte de l’abandon du travail à la communauté ou du sacrifice de la vie pour la défense de la patrie résulte de la conception sociale.

L’homme attaché à la conception sociale de la vie peut dire au sauvage : « Reviens à toi, réfléchis ; la vie de ta personnalité ne peut être la vie véritable, car elle est misérable et éphémère. Seuls, le groupement et la gradation se perpétuent, famille, tribu, race, état, et c’est pourquoi tu dois sacrifier ta personnalité à l’existence de ce groupement » ; de même la doctrine chrétienne dit à l’homme de la conception sociale : « Repentez-vous, μετανοετε, c’est-à-dire revenez à vous, sinon vous périrez. Revenez à vous et comprenez que la vie dont vous vivez n’est pas la véritable vie, que la vie de la famille, de la société, de l’état, n’est pas le Salut. La vie véritable, sage, n’est possible pour l’homme que s’il participe dans une certaine mesure, non pas à la vie de la famille ou de l’état, mais à la vie du Père. » Telle est indiscuta-