Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

force consiste, d’après la doctrine du Christ, la véritable vie de l’homme. D’après les doctrines qui l’ont précédée, la véritable vie était dans l’accomplissement des règles, des lois ; tandis que, d’après la doctrine du Christ, elle consiste dans la poursuite de la perfection divine donnée comme but et dont tout homme a conscience de porter en lui le principe, et dans l’assimilation de plus en plus complète de la volonté humaine avec la volonté de Dieu, assimilation vers laquelle l’homme tend et qui serait l’anéantissement de la vie que nous connaissons.

La perfection divine est l’asymptote de la vie humaine ; c’est vers elle que l’humanité tend toujours : elle peut s’en rapprocher, mais ne peut l’atteindre que dans l’infini.

La doctrine du Christ ne paraît exclure la possibilité de la vie que si l’on prend pour une règle ce qui n’est que l’indication d’un idéal. C’est dans ce cas seulement que les préceptes du Christ semblent inconciliables avec les nécessités de la vie, tandis qu’au contraire ils donnent seuls la possibilité d’une vie juste.

« On ne doit pas demander trop, disent d’ordinaire les hommes en discutant les exigences de la doctrine chrétienne. On ne peut pas ne pas se soucier du tout de l’avenir, comme cela est dit dans l’Évangile, mais il faut seulement ne pas trop s’en soucier ; on ne peut pas donner tout aux pauvres, mais il faut leur donner dans une certaine mesure ; on ne peut pas garder une chasteté absolue, mais il faut fuir la débauche ; il ne faut pas abandonner sa femme et ses enfants, mais il ne faut pas non plus avoir pour eux un amour trop exclusif, etc. »

Parler ainsi, c’est comme si l’on disait à un homme qui traverse un fleuve rapide en allant contre le courant, qu’on ne doit pas se diriger ainsi, mais bien en