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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/151

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donneraient la possibilité de résoudre pacifiquement la question sociale.

« L’Europe, par suite, se trouve, sous ce rapport, malgré toutes nos conquêtes scientifiques, dans la même situation qu’au temps le plus mauvais et le plus barbare du moyen âge. Tout le monde se plaint de cet état qui n’est ni la guerre ni la paix, et tout le monde voudrait en sortir. Les chefs d’état affirment tous qu’ils veulent la paix, et ils rivalisent en déclarations les plus solennellement pacifiques. Mais le même jour, ou le lendemain, ils présentent aux parlements des projets de loi pour l’augmentation des effectifs, en disant qu’ils prennent des mesures préventives précisément en vue de garantir la paix.

« Mais ce n’est pas cette paix-là que nous préférons, et les nations ne s’illusionnent pas. La véritable paix est basée sur la confiance réciproque, tandis que ces formidables armements décèlent entre les États, sinon une hostilité déclarée, du moins une défiance cachée. Que dirions-nous d’un homme qui, voulant déclarer ses sentiments amicaux à son voisin, l’inviterait à examiner les questions qui les divisent un revolver à la main.

« C’est cette contradiction flagrante entre les déclarations pacifiques et la politique militaire des gouvernements que tous les bons citoyens voudraient faire cesser, coûte que coûte. »

On s’étonne de ce que 60,000 suicides se produisent par an en Europe, et ce chiffre contient seulement les cas connus et notés, et la Russie et la Turquie exceptées. Il faudrait, au contraire, s’étonner qu’il y en ait si peu. Tout homme de notre époque, si on pénètre la contradiction entre sa conscience et sa vie, se trouve dans la situation la plus cruelle. Sans parler de toutes les autres contradictions entre la vie réelle et la conscience