Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/187

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cela[1], que la fusion des peuples par la science et le travail aura raison de l’instinct militaire. Laissons-lui caresser la chimère d’un âge d’or qui deviendrait bien vite, s’il pouvait se réaliser, un âge de boue. Toute l’histoire nous enseigne que ceci est créé pour cela, qu’il faut du sang pour hâter et cimenter la fusion des peuples. Les sciences de la nature ont ratifié de nos jours la loi mystérieuse révélée à Joseph de Maistre par l’intuition de son génie et par la méditation des dogmes primordiaux ; il voyait le monde se rachetant de ses déchéances héréditaires par le sacrifice ; les sciences nous le montrent se perfectionnant par la lutte et la sélection violente ; c’est des deux parts la constatation du même décret, rédigé en termes différents. Constatation désagréable, à coup sûr ; mais les lois du monde ne sont pas faites pour notre agrément, elles sont faites pour notre perfectionnement. — Entrons donc dans cet inévitable, ce nécessaire palais de la guerre ; nous aurons occasion d’y observer comment le plus tenace de nos instincts, sans jamais rien perdre de sa vigueur, se transforme et se plie aux exigences diverses des moments historiques. »

La nécessité de la guerre se trouve prouvée, pour M. de Vogüé, par deux expressions de deux grands penseurs, Joseph de Maistre et Darwin, et ces expressions lui plaisent tellement qu’il les rappelle de nouveau dans sa lettre au directeur de la Revue des Revues.

« Monsieur, écrit-il, vous me demandez mon sentiment sur la réussite possible du Congrès universel de la Paix. Je crois avec Darwin que la lutte violente est une loi de nature qui régit tous les êtres ; je crois avec

  1. Parole prise dans le roman de Victor-Hugo, Notre-Dame de Paris.