Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/208

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dés par le gouvernement n’ont en théorie aucune raison d’être, mais même pratiquement, c’est-à-dire devant les pénibles conditions dans lesquelles l’homme se trouve par la faute de l’état, chacun voit forcément que pour lui-même satisfaire aux exigences du gouvernement et se soumettre au service militaire est souvent bien plus désavantageux que ne le serait la rébellion.

Si la plupart préfèrent la soumission, ce n’est point après mûre réflexion sur le bien ou le mal qui peut en résulter, mais c’est parce qu’on est, pour ainsi dire, hypnotisé. En obéissant, les hommes se soumettent simplement aux ordres qu’on leur donne sans réfléchir et sans faire un effort de volonté. Pour ne pas obéir, il faut réfléchir avec indépendance, et c’est un effort dont tout le monde n’est pas capable. Mais, si on mettait de côté la signification morale de la soumission ou de la rébellion, et qu’on en pesât seulement les avantages matériels, on verrait que la rébellion est, en général, plus profitable que la soumission.

Qui que je sois, que j’appartienne à la classe aisée et oppressive ou à la classe ouvrière et opprimée, dans l’un ou dans l’autre cas les avantages de la rébellion seront plus grands que ceux de l’obéissance.

Si j’appartiens à la classe oppressive, la moins nombreuse, mon refus d’obéir au gouvernement aura pour inconvénient de me faire passer en jugement comme rebelle, et ce qui peut m’arriver de mieux, c’est qu’on m’acquitte, ou, comme on fait chez nous pour les ménonites, qu’on m’oblige à faire mon temps de service dans les travaux civils. Mais on peut me condamner à la déportation ou à l’emprisonnement pour deux ou trois ans (je parle des cas qui se sont produits en Russie), ou peut-être pour une durée plus longue. On peut même me condamner à mort, bien qu’une telle condamna-