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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/218

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sur le peuple travailleur pour enrichir des fonctionnaires oisifs ; combien il est stupide d’infliger une punition à des hommes corrompus et faibles et de les déporter d’un lieu dans un autre, ou de les emprisonner, puisque étant assurés de l’existence et restant inoccupés, ils ne font que se corrompre et s’affaiblir davantage ; combien il est non seulement inutile et bête, mais encore véritablement insensé et cruel, de ruiner le peuple par des armements militaires, et de le décimer par des guerres qui ne peuvent avoir aucune explication, aucune justification. Et cependant ces violences continuent et elles sont encouragées par ceux mêmes qui voient leur inutilité, leur stupidité, leur cruauté, et qui en souffrent.

Les gouvernements de notre époque, les plus despotiques comme les plus libéraux, sont devenus ce qu’a si bien nommé Herzen : Gengis-Kan avec le télégraphe, c’est-à-dire une organisation de la violence n’ayant pour principe que l’arbitraire le plus grossier et profitant, pour la domination et l’oppression, de tous les perfectionnements que la science a créés pour la vie sociale pacifique des hommes libres et égaux.

Les gouvernements et les classes dirigeantes s’appuient aujourd’hui non pas sur le droit, ni même sur un semblant de justice, mais sur une organisation si ingénieuse, grâce aux progrès de la science, que tous les hommes sont pris dans un cercle de violence d’où ils n’ont aucune possibilité de sortir. Ce cercle est composé de quatre moyens d’action sur les hommes. Ces moyens sont liés entre eux comme les anneaux d’une chaîne.

Le premier moyen, le plus vieux, est l’intimidation. Il consiste à représenter le régime actuel (quel qu’il soit, la république la plus libérale ou la monarchie la plus despotique) comme quelque chose de sacré et d’immuable. Comme conséquence on punit des peines les