Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/222

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soldats ; les soldats donnent le pouvoir ; le pouvoir, l’argent, avec lequel on achète les fonctionnaires et on recrute les soldats.

C’est un cercle où tout s’enchaîne étroitement et d’où il est impossible de sortir par la violence.

Ceux qui croient possible de s’affranchir par la violence ou même d’améliorer seulement cette situation en renversant un gouvernement pour le remplacer par un autre à qui l’oppression ne sera plus nécessaire sont dans l’erreur et leurs efforts en ce sens, loin d’améliorer la situation, ne font que l’aggraver. Leurs tentatives fournissent au gouvernement un prétexte pour augmenter son pouvoir et son despotisme.

En admettant même que, par suite de circonstances particulièrement défavorables au gouvernement, il fût renversé par la force, comme cela a eu lieu en France en 1870, et que le pouvoir passât en d’autres mains, ce pouvoir ne pourrait être moins oppresseur, car, ayant à se défendre contre tous ses ennemis dépossédés et exaspérés, il serait obligé d’être encore plus despotique et plus cruel que l’ancien, comme cela a eu lieu pendant toutes les périodes révolutionnaires.

Si les socialistes et les communistes considèrent comme un mal l’organisation individualiste et capitaliste de la société, si les anarchistes considèrent comme un mal toute organisation gouvernementale, il y a des monarchistes, des conservateurs, des capitalistes qui considèrent comme un mal l’organisation socialiste ou communiste, et l’anarchie, et chacun de ces partis n’a d’autre moyen que la violence pour établir un régime à qui tous soient soumis. Quel que soit le parti qui triomphe, il lui faut, pour instituer un nouvel ordre de choses et conserver le pouvoir, employer non seulement tous les moyens de violence connus, mais en inventer