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Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/236

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si l’homme n’était pas capable, par une conception plus haute de la vie, de s’affranchir des liens qui semblent le tenir solidement.

Et cette conception est celle du christianisme, indiquée il y a dix-huit siècles.

Il suffirait à l’homme de s’assimiler cette conception pour voir tomber d’elles-mêmes les chaînes qui lui semblent si fortes, et pour se sentir tout à coup complètement libre, comme l’oiseau qui prend son vol pour la première fois.

On parle d’affranchir l’église de la tutelle de l’état, de donner la liberté aux chrétiens. Il y a là un étrange malentendu. La liberté ne peut être accordée ni enlevée aux chrétiens : elle est leur propriété inaliénable ; et si on parle de la donner ou de la reprendre, il s’agit évidemment non des véritables chrétiens, mais de ceux qui ne le sont que de nom. Le chrétien ne peut pas ne pas être libre parce que rien ni personne ne peut arrêter ou même ralentir sa marche vers le but qu’il s’est fixé.

Pour se sentir affranchi de tout pouvoir humain, il suffirait à l’homme de concevoir sa vie selon la doctrine du Christ, c’est-à-dire de comprendre que sa vie n’appartient ni à lui-même, ni à sa famille, ni à sa patrie, mais seulement à Celui qui la lui a donnée ; et qu’il doit, par suite, observer non pas la loi de sa personnalité, de sa famille ou de sa patrie, mais la loi que rien ne limite, de Celui dont il est issu. Il lui suffirait de comprendre que le but de toute la vie est d’observer la loi de Dieu pour que devant cette loi, qui tient lieu de toutes les autres, toutes les lois humaines perdissent leur caractère obligatoire.

Le chrétien s’affranchit donc de tout pouvoir humain par ce fait qu’il regarde la loi de l’amour, innée en tout homme et rendue consciente par le Christ, comme